LA CONQUÊTE DE LA DACIE PAR TRAJAN

 

 

LES SOURCES

DÉFINIR LE SUJET . 6

ÉTAT DE LA QUESTION : LA CONQUÊTE DE LA DACIE PAR TRAJAN

INTRODUCTION PROBLÉMATIQUE

INTRODUCTION PLAN

 

LES SOURCES  

L’époque de Trajan est assez bien connue. Différentes sources permettent l’étude de cette période. La littérature antique associée aux sciences «auxiliaires» est indispensable pour compléter et comprendre les points obscurs.

Les écrivains sous Trajan sont pour l’essentiel des aristocrates. Les sources primaires sont marquées par leur sympathie pour Trajan et leur haine envers Domitien. L’empereur succédant à un tyran selon les sénateurs, subit une opposition très faible ou détournée. Les auteurs antiques ont écrit de nombreux textes sous Trajan, mais peu nous sont parvenus. L’empereur lui-même aurait écrit des commentaires, tel Jules César. Le Dacica ou De bello dacico n’est pas remonté jusqu’à nous. Seule sa correspondance avec Pline le Jeune est restée.

Trajan tenait à laisser ses écrits. Certains historiens pensent qu’Hadrien revenant à une politique défensive aurait tenté de faire disparaître ces textes, mais il a laissé la colonne Trajane qui rappelle la gloire militaire et la politique offensive de Trajan. Politique soutenue par Pline le Jeune qui en l’an 100 prononce un panégyrique en l’honneur de son empereur, le texte est sûrement arrangé et publié en 103. Pline le Jeune aristocrate ayant commencé sa carrière sous Domitien dévoile une partie du programme politique de Trajan au début de son règne et l’opposition avec Domitien. Ce texte plein d’éloges est très partisan, tout est grossi en l’honneur de Trajan mails il reste néanmoins utile.

L’empereur savait s’entourer de gens compétents qui n’étaient pas tous des sénateurs. Son médecin Titus Statilius Criton, était dans l’Etat Major de Trajan. Cet affranchi utilise dans ses écrits un parallèle Alexandre-Trajan et Clésias lui-même. Comme le médecin du conquérant, il raconte des anecdotes sur la géographie et les peuples. Présent lors des guerres daciques, il explique les causes du conflit et énumère les pertes daces. Malheureusement il ne nous reste que des fragments de l’oeuvre de Criton.

D’autres écrits importants de proches de Trajan ont disparu en partie ou totalement. Balbus, géographe, avait topographié la Dacie pendant l’invasion. Apollodore de Damas, le fameux  architecte de l’empereur, racontait ses souvenirs de guerre pour les sièges, ses fortifications et ses grands travaux (pont de Drobeta). Un officier nommé Arrien, a aussi écrit sur les conquêtes de Trajan, mais il manque la partie sur les Daces. Les sources primaires les plus directes sur le règne de Trajan ont disparu, mais il ne faut pas négliger celles qui en traitent indirectement.

Frontin, Consul en 100 avec Trajan, écrit Stratagementa, traité militaire où il fait souvent référence à son empereur. Un autre auteur fait de même, Suétone dans La vie des 12 Césars. L’empereur peu critiqué voit l’idéologie de la monarchie à la romaine triompher chez Dion de Pruse ou Chrysostome dans son livre De regno. Cet auteur a aussi écrit sur les Daces mais tout a disparu.

Un des auteurs les plus connus sous Trajan est Tacite. Proche des idées de Trajan pour une politique offensive, il exprime toutefois une certaine opposition, pour lui l’ennemi de l’Empire c’est le Germain. Il cite Trajan sans jamais écrire directement sur lui. C’est Juvénal qui représente dans ses satires le plus de critiques envers Trajan. Ce personnage aigri par les confiscations de ses biens sous Domitien et non rendus par ses successeurs, décrit les travers des empereurs. Martial, poète officiel de Domitien, flattera de même Trajan.

Les auteurs contemporains de Trajan lui restent favorables en majorité. Les biographes Aurélius Victor, Fabius Marcellinus et Statius Valeus n’ont pu nous transmettre la vie de Trajan. Par contre, des auteurs postérieurs ont lu ces sources et ont résumé leurs lectures.

Les sources secondaires inspirées des premières sont elle aussi favorables à Trajan. Eutrope lance la formule «Felicior Augusto, melior Traiano», il évoque aussi la Dacie dans son oeuvre et est  favorable pour la conserver après tant d’efforts de colonisation. D’autres auteurs font référence à Trajan, Julien l’Apostat, Aurelius Victor, Ammien Marcelin..., le plus important étant Dion Cassius.

Xiphilin, moine Byzantin du 11ème siècle, a recopié Dion Cassius. Cette oeuvre permet de connaître le règne des empereurs et de suivre le problème dace. Elle est très utile malgré des erreurs dans la compilation.

Les sources littéraires sont toutes romaines et non daces. Les Daces connaissaient le latin et le grec, mais ils n’ont pas laissé de textes. Tous ces écrits servent le règne de Trajan mais aussi celui de Domitien, pour la plupart, qui est essentiel pour comprendre les rapports entre Rome et la Dacie. L’antinomie des sources entre les deux empereurs reste une difficulté non négligeable, il ne faut pas sous estimer Domitien et sur estimer Trajan.

Les auteurs sont nombreux  mais les écrits sur Trajan ont souvent disparu, il reste surtout des allusions indirectes. D’autres sources sont là pour nous guider dans nos recherches.

Les sciences auxiliaires sont un complément nécessaire. L’épigraphie nous renseigne sur plusieurs points : les constructions, l’organisation de la religion, de l’armée, de l’administration, les déplacements des populations et leurs carrières, la politique économique et sociale, les lois.

Dans notre étude, l’épigraphie est très utilisée pour déterminer l’importance de l’implantation romaine en Dacie. Elle sert également à localiser les légions et les auxiliaires ainsi que les officiers qui les dirigent. L’épigraphie comble des détails mais permet également des études générales. Le Corpus Inscriptionum Latinorum sert de référence. Les inscriptions dédiées à Trajan prolifèrent dans tout l’Empire, ainsi que les pièces à son nom.

L’empereur romain a le droit de battre monnaie et l’octroi parfois à des cités. L’iconographie et la légende abrégée sont choisies avec soin. La numismatique permet une chronologie des guerres, des constructions édilitaires et tente de reconstituer la politique économique, religieuse et personnelle de l’empereur.

Trajan, l’optimus princep, est souvent représenté sur les monnaies. Nous y découvrons ses victoires militaires et ses préférences religieuses. L’idéologie impériale est révélée à grands traits par les monnaies. Mais les populations font-elles attention à cette propagande ?  Par contre, ces pièces informent les provinces des guerres lointaines. Les archéologues trouvent ces trésors dans tout l’Empire lors de leurs fouilles.

Les territoires de l’antique Dacie sont toujours étudiés aujourd’hui par les archéologues. La littérature étant peu fertile sur la civilisation dace, les historiens s’orientent vers d’autres sources. C’est l’archéologie qui fournit le plus de renseignements sur ce peuple. L’étude de l’habitat, de la poterie, des métaux, de l’art ont permis de retracer l’évolution et les influences des ancêtres des Daces. L’archéologie est vitale pour comprendre les Daces. Elle est également très utile pour la civilisation romaine.

Les grands travaux de Trajan lors de son règne marquent Rome. Les plus remarquable est le forum du nom de l’empereur où se trouve sa colonne. Cette oeuvre d’art traite des deux guerres daciques de Trajan, elle est donc une source de choix pour notre sujet. Elle apporte de nombreux éléments intéressants : déroulement des événements, armements des belligérants, cérémonies, religions. En revanche, elle reste un travail artistique commandé par l’empereur avec ses stéréotypes, ses raccourcis, son idéologie. L’Arc de Triomphe de Bénévent et le Trophée d’Adamklissi font aussi partie de nos sources. Il ne faut pas oublier une fois de plus les critères esthétiques du temps et surtout ne pas sur exploiter une oeuvre artistique.

L’archéologie ne s’occupe pas que des travaux d’art. Elle permet de confirmer l’oeuvre d’Apollodore de Damas avec la construction de son pont à Drobeta et de trouver en plus l’aménagement du Danube aux Portes de Fer. Les archéologues s’occupent beaucoup du limes Danubien révélant la présence de forts parfois très en avant en territoire Barbare et cela dès Domitien. Les Romains très fiers de leurs ancêtres daces et romains, multiplient les fouilles sur leur territoire, mais ils n’hésitent pas à utiliser des sources originales pour leur histoire comme la papyrologie.

Le British Museum possède le papyrus 2851 dit de «Hunt». Il indique des mouvements de troupes sous Domitien et Trajan pour la Mésie Inférieure. Seul papyrus utilisé dans cette étude, il reste un document de choix.

La diversité des sources permet une étude assez complète. Il faut toutefois rester critique face aux écrits trop souvent favorables à Trajan et aux oeuvres d’art stéréotypées. Malgré les efforts des copistes, des sources littéraires intéressantes ont disparu. Mais l’épigraphie et l’archéologie apportent chaque année de nouvelles données.

 

DÉFINIR LE SUJET

 

La Dacie royaume barbare organisée autour de son roi Décébale, est située dans les Carpates au Nord du Danube et de la Mésie Inférieure.

Trajan maître de l’immense Empire romain de 98 à 117 est un conquérant ambitieux, il entreprend l’annexion des territoires daces. Deux guerres seront nécessaires : la première en 101-102 et la seconde en 105-106 pour venir à bout de la résistance dace et de leurs alliés.

La conquête militaire achevée, Trajan proclame la Dacie province romaine. Il va s’occuper de son intégration dans l’Empire romain et de sa défense tout au long de son règne.

 

ÉTAT DE LA QUESTION : LA CONQUÊTE DE LA DACIE PAR TRAJAN

La colonne Trajane nous raconte les deux guerres daciques de Trajan, l’achèvement de la conquête de la Dacie nous est connu par l’archéologie et les écrits. Cette colonne posée sur le forum de Trajan donne des solutions, mais pose des problèmes. Sans texte, elle ne nous donne pas toutes les réponses. Les sources littéraires sur l’empereur ne sont pas toutes revenues jusqu’à nous. La politique de Trajan en Dacie , ses moyens, ses compétences, son ambition ne nous ont pas été tous révélés. Pour les Daces aussi connus essentiellement par l’archéologie, il reste des points obscurs comme leur organisation politique, militaire et religieuse.

La question de la conquête ne s’est jamais posée dans son entier, elle a été traitée par parcelles selon les besoins des auteurs. Les guerres parthiques entreprises plus «glorieuses», éclipsent la question dace qui reste un prélude avant la guerre en Orient. Elle est pourtant essentielle pour comprendre la politique romaine sur le Danube et le début du règne de Trajan.  

 Les historiens roumains s’intéressent à la conquête à travers la résistance dace et oublient souvent les Romains. L’intérêt est de confronter les auteurs roumains qui sont souvent nationalistes ou sous influence socialiste, et les autres historiens pour avoir un ensemble de réponses sur la question.

 

INTRODUCTION PROBLÉMATIQUE

La conquête de la Dacie pose de nombreuses questions.

Quel était l’ambition de Trajan, ses objectifs politiques et militaires ? Suit-il les idées de Domitien ?

Avec quels moyens en hommes et matériels a-t-il pu aboutir ? Les Daces ont résisté une première guerre face à l’immense Empire romain, comment ont-ils fait et quelle était leur politique  extérieure ?

Trajan triomphe enfin mais cette deuxième guerre n’était-elle pas organisée d’avance ?

Pourquoi l’empereur décide de provincialiser sa conquête et a-t-il eu raison à son époque ? Comment fait-il pour assimiler aussi vite cette nouvelle province ?

 

INTRODUCTION PLAN

L’étude de la conquête dace de Trajan suit un ordre chronologique.

Nous verrons en premier lieu les rapports entre Daces et Romains avant Trajan, puis la politique de Trajan et les raisons qui le poussent à la guerre. Cette mise en place du conflit est nécessaire pour comprendre les motivations des deux parties et les forces en présence.

Dans une seconde partie nous analyserons les phases militaires de la première guerre dacique et son bilan.

Enfin, nous traiterons de l’entre-deux guerres, puis de la provincialisation et de l’intégration rapide de la Dacie après la mort de Décébale et de son Etat, succombant face à l’écrasante supériorité romaine.